samedi 25 juillet 2015

Tempête dans les Ardennes, Lolo prend l'eau !


Etape 15 : Wiltz (Luxembourg) – Maastricht (Pays-Bas)  145 km ; 1250 m de dénivelé


Kilométrage depuis le départ : 2 113 km

Météo : Temps épouvantable, déluge d’eau, vent violent. Température : 15° à Maastricht !



le départ avant le drame...

auto focus

cousin belge de Little big Horse

Little big horse bâché


Le temps se gâte, j’aurais dû m’en douter. 

Tout avait commencé hier soir. Vers 17h, j’arrive à Wiltz, petite bourgade au nord du Luxembourg. Mon auberge est une ancienne tannerie reconvertie. Je crois être arrivé et puis je ne vois que des petits vieux. Je me dis : « mince, j’ai dû confondre avec la maison de retraite… » 

Mais non, c’est bien là. Wiltz a un festival en plein air de chants lyriques, je me croirais presque revenu à Aix en Provence. Moi je n’ai rien contre, mais je m’y connais autant en chants lyriques qu’en tapis persans. Vers 21h, il commence à pleuvoir fort. Mal barré pour le spectacle, me dis-je. Mais en fait non, ils ont un chapiteau, tout le monde est à l’abri me dit la patronne de l’hôtel. Enfin sauf les pauvres, à qui on passe généreusement une protection pluie. 1500 personnes, tout le monde n’est pas à couvert, élitiste jusqu’au bout le Luxembourg.

Vers 22h30, je m’apprête à dormir, pour une fois que je peux me coucher tôt. Mais le ténor, ou le baryton, puisque je vous dis que je n’y connais rien, hausse la voix. J’irais bien lui dire qu’il y en a qui voudraient bien dormir, mais j’ai peur de déranger. Mon oreiller sur la tête, ça passe. Je me demande si ce n’est pas lui qui fait pleuvoir car le lendemain matin il pleut toujours avec un vent fort.

Je quitte le Luxembourg sans regret excessif, avec l’impression d’avoir rencontré « des gens peu primesautiers au-delà du raisonnable » comme disait Desproges.

Equipement pluie, 2 bâches pour les affaires, un poncho pour moi. Alternance d’averses et de rares éclaircies et puis au kilomètre 30 j’entre en Belgique, version Wallonne. 




Les Ardennes présentent un décor agréable avec mosaïque de couleurs dans les champs, des bosquets et des forêts. Côté ciel, c’est plutôt… cinquante nuances de gris. Et puis bientôt, une nuance de noir.

Je passe le cap des 2 000 kilomètres. Bah, pas besoin d'arroser ça, la nature s'en charge très bien. D'ailleurs j'ai fait du 0,5 litre au 100 km aujourd'hui, le bidon m'a tenu la journée. Il faut dire qu'avec ce qui me tombait direct du casque, j'avais l'eau à volonté...

Le déluge commence et ne s’arrêtera plus jusqu’à l’arrivée. C’est la grosse tempête avec bourrasques de vent dans tous les sens et il tombe des cordes. Pendant 110 km, jamais vu ça !
C’est long dans ces conditions, 110 bornes…

Le vent est parfois favorable, petite consolation, parfois de côté et déstabilisant, il a failli réussir ce que les camionneurs de la plaine du Pô n'ont pas réussi, m'éjecter de la route. Quand il est de face, c'est scotché à la route avec une vitesse à faire pâlir un piéton. Heureusement, globalement je suis quand même dans le bon sens.

Au kilomètre 80 j’arrive à Francorchamps, là où il y a le circuit automobile (un des plus beaux du monde entre parenthèses). D'ailleurs il y a un bouchon de plusieurs kilomètres pour aller au circuit assister aux 24 heures de Spa-Francorchamps. Eh bien je leur souhaite bien du plaisir dans ces conditions, moi 7 heures me suffiront.

J’entre dans une boucherie pour demander mon chemin, oui quand il pleut fort, il n'y a personne dehors, si on veut des infos il faut entrer chez l'habitant.  Je veux savoir si ma route passe par Spa pour aller à Theux et en passant par Spixhe, enfin une histoire de fou.
Le boucher me dit :
« Ah oui, c'est la bonne route, mais faut d’abord passer par « Spain ».
Comme je ne reconnais pas mon Spa à moi et que ça me semble facile comme nom vu qu'on parle la même langue, je lui dis.
« Spain, c’est Spa ? »
Et le dialogue continue :
« bah oui, Spain, vous dites comment vous ? »
« euh, Spa »
« oui, comme moi ! »
Comme je ne veux pas l’énerver vu qu’il est lourdement armé (toute une batterie de couteaux de bouchers…) je décide d’aller à « Spain »...


la ville de Spa. Dites "Spain"...



Il pleut, il vente, il fait 15°, mais où est ma canicule chérie ! Heureusement le poncho permet de garder les œuvres vives au sec, par contre les pieds et les mains baignent dans l’eau froide. Les protections pluies des bagages résistent aussi, après ce qu’elles ont vu aujourd’hui, je peux envisager l’Angleterre sereinement avec mes deux sacs poubelle.

Dans ces moments, l’entraînement et la motivation sont essentiels. Et il faut un caractère bien trempé pour continuer, pour le reste du corps la pluie s’en charge très bien. J’espère qu’il a plu pour quinze jours au moins !

J’arrive enfin au Pays-Bas, Maastricht est une petite enclave coincée entre Belgique et Allemagne. J’ai la ferme volonté de renégocier ce traité de Maastricht de 1992 qui nous pose tant de problèmes. Mais ma tenue, ce n’est pas le costume trois pièces. 




La Meuse à Maastricht



Alors je laisse tomber les institutions et je décide d’aller à la boulangerie-pâtisserie.
Très énervé par ce temps abominable, je déballe mon sac devant la pâtissière. Je n’oublie rien, l’Europe sociale qu’on a oublié de faire, les paradis fiscaux au sein même de l’Europe (je lui parle du Luxembourg), le dumping entre les pays, les dettes qui enflent, les Grecs à la dérive, les Portugais pas fringuants, les Français qui vivent au-dessus de leurs moyens, l'Allemagne de Merkel,  tout y passe !

La pâtissière, elle m’a écouté, elle avait des étoiles dans les yeux…

Et vous savez ce qu’elle me répond, dans un français impeccable, en tout cas bien meilleur que mon hollandais :

« Moi vous savez, je me contente de faire des gâteaux. »

Totalement désarçonné, je décide de lui en acheter un.

En plus avec l’euro, on a la même monnaie…
  


Et demain ? cap au nord toujours, direction Arnhem.

(Tous les parcours dans l'article "Les parcours" du mois de juin)

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