vendredi 31 juillet 2015

Lost in translation

Etape 21 : Brighton (GB) – Bournemouth (GB)   150 km ; dénivelé inconnu (perte d’itinéraire)


Kilométrage depuis le départ : 2 982 km

Météo : Beau temps. Vent modéré favorable (ça fait plaisir !).  Température : 23° à Portsmouth


Résumons rapidement : une étape prévue de 160 km vélo, résolue en 150 km vélo plus 60 km de train…

Aujourd’hui je me suis perdu mais pas qu’un peu, noyé dans la campagne anglaise. L’affaire s’annonçait compliquée avec Portsmouth et Southampton sur le chemin (où j’ai failli dormir…) de nombreuses entrées de la mer dans les terres (les « mouth ») et le Solent comme barrière infranchissable entre Portsmouth et Southampton. L’étape était longue et le bed and breakfast réservé à Bournemouth.

J’ai quitté mon hôtel de Brighton moyennement confiant mais sous un temps radieux et pour la première fois depuis cinq jours, le vent dans le dos. J’ai raté la gay pride de Brighton qui avait lieu ce week-end mais comme mon hôtel était très gay-friendly, j’en ai eu un avant goût. Quelle rigolade, il faut dire que les homos ont cette supériorité sur les hétéros qu’ils savent faire la fête comme personne et se lâcher. Bon bref, je suis parti avec le vent qui me caressait les fesses, mais il n’y a que lui qui l’ai fait.

J'ai oublié aussi hier de parler des "Pier", ces jetées perpendiculaires à la plage et qui pour les plus importantes supportent même le poids d'une fête foraine entière sur des planches en bois elle-mêmes fixées sur des pieux. On voit la mer sous ses pieds. C'est le cas de celle de Brighton.




Rencontre aussi avec un bien drôle d’engin à pédale. Il est Français, suivi par sa femme elle aussi à vélo mais sur une bicyclette classique… Ils font 50 km par jour et regagnent Paris !




Au bout de 30 km, j’étais toujours sur la route côtière avec passages cyclables, le fameux panneau bleu. Tout allait bien, je déambulais en longeant la mer et à bonne vitesse grâce au vent arrière, le tout sous un soleil radieux.



Et c’est là que ça a commencé à se gâter. Je perd la trace du panneau bleu dans un village. Je me dis, pas grave, je le retrouverai plus tard. Jamais revu…

J'ai pensé appeler un ami...



Au contraire je suis parti en vrille seul, choisissant les petites routes de la campagne anglaise, les « much safer » et sortant peu à peu de mon road-book. Il me restait, le soleil, les mousses et une carte au millionième pour me repérer, un peu juste. Trois fois je suis retombé sur la route principale, la « quicker », je l’ai pris la première fois et comme j’avais envie de mourir en France, je l’ai abandonné rapidement. Incroyable que des routes à 2 fois 2 voies sans dégagement latéral soient ouvertes aux cyclistes, ceci dit il n’y avait que moi, mais à chaque fois que j’ai demandé si je pouvais la prendre, on m’a dit que oui. Ils voulaient peut-être se débarrasser d’un Français ?

Les « much safer » sont beaucoup mieux, mais on s’y perd vite. Je devais arriver à Portsmouth au kilomètre 75, j’en avais déjà fait plus de 104. C’était mal engagé pour Bournemouth, ma destination finale. 
Je me suis dit, va te faire une petite croisière, ça va te détendre. J’ai pris le ferry de Portsmouth à Gosport, 500 m de traversée… 



J’ai dit que je voulais parler au capitaine, parce que moi c’est le Solent (l’entrée marine qui remonte jusqu’à Southampton) que je voulais traverser, pour passer à l’ouest. Il n’est jamais venu !
Le stewart m’a dit : you want something to drink ?
J’ai dit: c’est quand même dingue ça qu’on puisse pas passer à l’ouest !
Il m’a dit : no, you have to go to Southampton.

Moi qui espérais récupérer les kilomètres que la campagne anglaise m’avait piqué, j’étais marron. Enfin vert, plutôt. J’ai donc longé le Solent et suis remonté sur Southampton en tirant quelques bords visiblement puisqu’à Southampton, j’avais près de 150 bornes au compteur et qu’il m’en restait 60 à faire… A près de six heures du soir, ça commençait à sentir sérieusement le roussi, je ne m'imaginais pas faire 210 kilomètres au total et d’arriver au mieux à 21 heures à Bournemouth.

Ma dernière chance c’était le train pour Bournemouth. Little big horse était d’accord, comme moi il en avait assez vu de la campagne anglaise pour aujourd’hui. J’arrive à la gare, train pour Bournemouth à 17h53. Il est 17h49… Un peu de queue au guichet, juste le temps de le rater, mais heureusement les trains anglais ne sont pas à l’heure.
Je monte vite dans le train, dans un des wagons avec des emplacements pour les vélos. 3 exactement, je suis le 4e… Comme je suis Français, je me dis, on va tasser un peu les vélos et ça ira très bien. Mais le contrôleur qui m'a vu monter m’a dit : « pas possible, descendez du train, faudra prendre le suivant. »
Qu’est-ce que vous vouliez que je fasse ? Je suis redescendu sur le quai et j’ai dit :
« Appelez-moi le capitaine ! »
Mais y’en a pas dans un train…

Heureusement j’ai pu prendre le suivant, une dizaine de minutes plus tard. Et voilà comment j’ai quand même bouclé l’étape, mais pas de la façon que j’avais prévu. Au final 150 km vélo + 60 km train au lieu des 160 km de vélo initialement prévus.

Demain j’espère faire mieux…

Images de Portsmouth pour finir :





Et demain : je franchis la barre des 3 000 km.

Rappel du parcours : tous les parcours dans l’article « Mes parcours » du mois de juin

jeudi 30 juillet 2015

Cancelled or delated ?

Cancelled : no ;  Delated : yes ;  E.T.A (Estimated Time of Arrival): late as usual !

Etape 20 : Dunkerque (France) – Dover (GB) - Brighton  147 km ; 1160 m de dénivelé


Kilométrage depuis le départ : 2 832 km

Météo : Beau temps. Vent faible puis modéré défavorable.  Température : 21°

Alors aujourd’hui j’allais chez les « Angliches ». L’étape démarrait à Douvres (Dover), le reste ça ne comptait pas, et je crois que c’est ça qui m’a mis dedans…

Je me lève de bonne heure, petit déjeune frugalement, c'est-à-dire un peu de tout, et puis je me dis : « maintenant on file vite à l’embarcadère des ferries, on traverse ce channel et puis on attaque l’étape vers 10 heures."

Pour y arriver une bonne averse (qui finira en orage mais je serai sur le bateau), ça commençait bien. 

D’ailleurs, côte française moche et sous la pluie, côte anglaise jolie et sous le soleil. Comme quoi…

Dunkerque

Dover


Pour arriver au bateau, il y a 5 kilomètres, dont au moins 3 bondés de camions à l’arrêt, en attente pour passer en Angleterre. A vélo je passe la file, y’a que moi à vélo. Je prends mon billet et à 8h45 le bateau doit partir, nickel, la traversée ça doit être vite fait. Je monte en premier sur le bateau, je suis le seul vélo… Ajoutez 5 motos, et des dizaines de voitures et camping-cars, et des centaines de camions !
Quand je laisse mon vélo pour monter sur le pont, la cale ressemble à ça :



Je me dis super, premier rentré, premier sorti. « Finger in the nose », tu vas démarrer l’étape vers 10 heures. Le bateau charge tout le monde, impressionnant le nombre de camions qu’il emporte et moi je me détends sur le pont.
On quitte le quai à 8h45 précise, un ballet bien réglé puisque au même moment il y a un autre ferry qui arrive d’Angleterre pour prendre notre place.

La traversée commence. Je voyais bien qu’on n’avançait pas. J’ai dit :
« Appelez-moi le capitaine, faudrait mettre un peu les watts sur le rafiot sinon je vais jamais démarrer mon étape à 10 heures ! »
Mais le capitaine, ce n’est pas lui qui est venu, c’est son second, ou même troisième, ou… un steward, c’est ça. Et vous savez ce qu’il me répond :
« You want something to drink ? »

J’étais "scandalized", je ferai un rapport à la compagnie. Surtout que ce n’était que le début. Faut reconnaitre que sur le channel, y’a du monde ! Entre les ferries qui font la route sur l’axe est-ouest et les cargos et pétroliers sur l’axe nord-sud, plus les pêcheurs et les plaisanciers, et même un bâtiment de la Royal Navy. Je me dis :
« On va s’en cogner un…  ça va coûter bonbon en assurance ! » En même temps ce n’est pas moi qui conduis et puisque que le capitaine n’a pas daigné me parler, je m’en lave les mains de son tas de tôles. Bon, on passe au feu orange entre deux cargos et on arrive à Dover, en même temps que 2 autres ferries.  1 heure trente de traversée, je ne pensais pas autant et ça ne m’arrangeait pas. Après faut le temps de le garer le bestiau, et en marche arrière s’il vous plait.

Et là je redescends à la cale chercher mon vélo. C’était l’étage des camions ! Little big horse était garé à l’avant. Oui mais on sort par l’arrière comme je viens de le dire. Comme je suis Français, je me crois toujours plus malin que tout le monde et je suis peu discipliné. J’ai un plan :
« C’est pas grave, tu vas remonter la file des camions et tu vas sortir avant tout le monde ». Je vous rappelle que j’étais le seul vélo à bord ! Mais les camions ils sont tellement proches les uns des autres que tu peux à peine passer et encore en étant sur ton vélo et en t’aidant des mains pour glisser d'un camion à l’autre.

J’arrive quand même à l’avant. Le matelot en charge du débarquement il a halluciné quand il m’a vu sortir entre deux camions. Mais là il me dit :
« Not possible. Too dangerous. Trucks first, then cars, and then you ! » Dois-je traduire ?
J’ai dit : « appelez-moi le capitaine ! »
Et j’ai ajouté pour impressionner : « you know who I am ? », en espérant qu'il m'ait vu dans le journal...
Et là il m’a dit: “yes, a cyclist.” 
Je crois que c'était le capitaine de la cale...

J’ai perdu encore 20 minutes. Mais ce n’était pas fini. Pour quitter les quais de débarquement, ils font des sortes de virages, pour mettre plus de monde sur la même surface. Le gars me dit :
« follow the red line for cyclist. » Ok, je « follow ». A la douane et au poste de police, ils m’ont vu passer 2 fois. La red line, elle disparait par endroit, on dirait une indication de piste cyclable hollandaise…
Alors j’ai dit : « Appelez-moi le capitaine ! » Mais le capitaine il s’en foutait, il était déjà en train de charger sa camelote pour repartir en France. Je tombe sur un gars un vélo qui faisait partie du port et très sympa qui me dit :
« Follow me. » Ok, je « follow… »
Et là je me suis enfin retrouvé dans Dover ! Mais il était midi ! Et comment je fais moi pour faire une étape entière en une demi-journée ?

Alors je me dis: tu vas encore finir à point d’heure, ce qui serait bien c’est de prendre une route un peu plus rapide au début pour gagner un peu de temps, oui les plus belles choses à voir étaient concentrées dans la deuxième partie.

Je demande conseil à un indigène pour aller à Folkestone. Il me dit :
« Which way do you want ? The quicker, the safer or the much safer ? »

Comme j’étais pressé, j’ai dit, va pour le “quicker”. Et là j’explique :
Le « quicker », c’est un itinéraire que tu peux prendre à vélo, si tu ne tiens pas à la vie. Je me serais cru revenu sur certaines routes de la plaine du Pô, farcies de camions et de bagnoles. Ok, je bifurque dès que possible sur le « safer ». Alors le « safer », c’est un itinéraire que tu peux aussi prendre à vélo, mais qui est blindé de voitures de touristes à cette saison.
Je me dis : « Et si on tentait le much safer ? » Alors le « much safer » c’est l’itinéraire conçu pour les vélos, mais pas à la hollandaise. Tu suis la côte, jusqu’à en connaître les moindres criques, très joli mais bon, faut avancer aussi… Et puis les pistes cyclables sont parfois plus pistes que cyclables.

Enfin j’avance peu à peu vers l’ouest, résigné à arriver tard à l’étape comme d’habitude. Joli campagne anglaise, pleine de moutons.
Faut que je vous parle du mouton. L’autre jour je vous avais parlé des oies en Hollande. Ici, c’est le mouton. Quand tu regardes la campagne au loin, tu crois voir des cailloux blancs un peu partout, mais non, c’est des moutons. Très pratique le mouton : il tond la pelouse gratuitement, tu peux faire des pulls avec ou des côtelettes selon tes goûts, tu peux même lui taquiner la mamelle pour piquer du lait. Attention quand même dans le dernier cas à bien vérifier qu’il s’agit d’une brebis, sinon il y a embrouille !

Sur le chemin, je me fais doubler par un gars en VTT. Ah j’ai dit : « non, ça va pas se passer comme ça ! » A cet endroit, la route était plate mais ça ne dure pas, il y a des côtes pour passer les falaises, et ce sont de vrais murs. J’ai pris sa roue et j’ai attendu que ça monte. J’étais confiant,  j’avais 15 kilos sur le porte-bagages mais lui avait 15 kilos de trop. Malheureusement, il a tourné dans un chemin au moment où j’allais venger Trafalgar et Waterloo à la fois. D’ailleurs je ne comprends pas pourquoi on s’est crêpé le chignon si souvent dans l’histoire avec les Anglais, ce sont des gens charmants. Pensez à la guerre de cent ans ! Certes avec des pauses pour boire le thé, mais quand même, c’est long.

Et là je me suis dit, au fond, pourquoi on vient en Angleterre ? Ce n’est pas pour le climat, ce n’est pas pour la bouffe, mais alors pourquoi on vient ? Eh bien je vais vous dire, après une journée ici : on est bien content d’être là parce qu’il y a des lumières de folies (merci le soleil après...la pluie), des cottages délicieux et des prairies bien vertes se jetant dans la mer, des falaises blanches de craies et de plus à chaque fois que j’ai demandé un renseignement, l’Anglais est affable. En plus d’être flegmatique et d’avoir de l’humour.

Par contre l’Anglais ne parle qu’anglais. Mais je me débrouille pas mal. Pour être allé en Amérique, c’est plus facile de comprendre un Anglais qu’un Américain. L’Américain parle anglais mais la bouche pleine et en mettant des « fucking » et des « bloody » partout.
Un moment que je m’énervais à la recherche d’une petite route que je ne trouvais pas, j’ai quitté mon bel accent d’Oxford (ou de Cambridge, je ne sais plus) et j’ai dit à un autochtone :
« Where the hell is that bloody fucking little fucking road ? »
Eh bien l’Anglais ne me comprenait plus. Mais restait flegmatique, c’est l’essentiel.

Sur la route j’ai aussi eut quelques petits temps d’adaptation. Rouler à gauche bien sûr, mais pas que…
Un moment j’arrive à 20 kilomètres de la ville d’Hastings. Je me dis, parfait, moins d’une heure et puis tu y es pour le « tea time ». Et puis je me suis rappelé. Ce n’est pas des kilomètres, mais des miles ! Finalement j’ai laissé tombé le thé, j’ai pris des « fish and ships.» Le poisson parce que c’est bon pour la mémoire et les frites pour…

Ceci étant, les Anglais, faudrait quand même vous mettre au système métrique et utiliser les unités du système international !
20 miles, ça fait plus de 33 km. Pas la même chose à vélo…

Mais il y a quand même une bonne nouvelle. Je pensais arriver tard à l’hôtel, or j’ai gagné une heure sur l’itinéraire ! Et vous savez comment ? Parce qu’en passant de la France à l’Angleterre, j’ai changé de fuseau horaire. 19h30 à ma montre, il n’était que 18h30.
J'ai demandé si je pouvais en avoir une autre pour demain mais on m'a dit que non, faudrait aller aux Açores.
Finalement, il faudrait que je change de fuseau horaire à chaque étape, c’est ça la solution !
Mais les Anglais ont été formels. Cette heure n’est pas donnée, seulement prêtée. Faudra penser à la rendre en rentrant en France…

Allez, « see you tomorrow…" 

Je vous quitte sur quelques belles images d'Angleterre, c'est autre chose que les Flandres.


Le Pier de Brighton
(digue à la mer avec fête foraine intégrée. Très sympa !)


Le joli Pier de Pevensey

Moi avant le drame...




Et demain : on verra...
Rappel du parcours : tous les parcours dans l’article « Mes parcours » du mois de juin



mercredi 29 juillet 2015

Bienvenue chez les Ch'tis' !


Etape 19 : Vlissingen (Pays-Bas) – Dunkerque (France)  131 km ; 220 m de dénivelé


Kilométrage depuis le départ : 2 685 km

Météo : Beau temps. Vent fort et défavorable.  Température fraîche : 19° à Bruges et Dunkerque


Trois heures de vélo en rab, merci le vent !

Encore une bonne soufflante aujourd’hui. Pile poil dans mes bronches. Rien à voir avec hier, mais un vent suffisamment fort et constant pour rendre une étape de plaine pénible. Eole mollit un peu mais reste un problème. De longues portions totalement plates et droites ou vous devriez passer à 25 km/h sans vent et vous êtes bloqué à 15-17. 
Voilà qui transforme une étape de 5 heures de vélo en une de 8 ! Très désagréable.

Pénible aussi de voir les cyclistes dans le sens contraire qui eux "volent" presque sans effort. Ma vitesse dépasserait les 30 km/h sans problème dans le sens du vent, mais bon avec des si…
C’est un sport de plein air, il faut en accepter les règles. Le vent est un adversaire depuis plusieurs jours. Et l’adversaire joue dur en ce moment. Par contre la pluie s'est calmée, juste une petite averse au début.

Donc départ de Vlissingen ce matin pour … 1 km de vélo avant transfert par petit ferry. 

porte grande ouverte

Little big horse bien seul à l'intérieur...


De Vlissingem à Breskens, pour quitter la province hollandaise de Zeeland en traversant un bras de mer d’environ dix kilomètres de large. Au fond de ce bras, à l’est, à environ 50 kilomètres, se trouve la ville d’Anvers et un des plus grands ports de commerce au monde, après Rotterdam.
Deux vélos en soute, neuf personnes en cabine (elle peut en contenir plus de 250), on ne peut pas dire que ce soit bondé. La traversée dure moins d’une demi-heure, et il y a des couleurs de ciel magnifiques. La pluie l’a bien lavé de ses impuretés, alors que moi elle a tout crotté mon vélo…




A Breskens,  nous sommes encore en Hollande pour une vingtaine de bornes. Je quitte ce pays sans avoir mis mes roues sur la route, plus de 450 km tout en pistes cyclables et voies aménagées, exceptionnel ! J’ai parlé anglais tout le temps et il a beaucoup plu, je me serais cru en Grande Bretagne. Un bien beau pays, agréable à tout point de vue, mais au climat rugueux et avec un vent qui tue !

De Breskens, direction Bruges à 40 km. Ça s’écrit Brugge et prononcez « Brugueu » pour éviter les Flamands rouges (de colère). Au passage je demande mon chemin pour trouver Sluis. Malheureux, faut dire « Sludjeuss » ou un truc dans ce goût là. C’est compliqué cette histoire. Il y a deux cent ans, Napoléon avait essayé de simplifier pour que toute l’Europe parle français, mais les gens l’ont mal pris et ça c’est terminé en drame. Donc disons « Sludjeuss », de toute façon je ne compte pas m’attarder. J’ai une pépite à voir, Bruges.

Bruges, la Venise du nord. Des Venises, il y en a dans plein d’endroits, Venises du nord, Venise verte, Venise provençale… Les Vénitiens devraient déposer le nom pour toucher des royalties. Alors Bruges, ce n’est pas Venise, il n’y en a qu’une et elle est hors concours. Mais Bruges, c’est une magnifique cité qui vaut le détour. Et le moins qu’on puisse dire c’est que le touriste le fait le détour, c’était bondé sur la grande place. Après une bonne flânerie entre canaux et beaux édifices, un cornet de frites s’imposait. Les frites belges sont bonnes.




Début d’après-midi, je repars dans les Flandres vers la côte. Sans grand intérêt touristique et toujours ce vent. Un moment j’essaie de saisir la roue de trois cyclos qui m’ont doublé pour m’abriter du vent. Peine perdue, je ne tiens pas le rythme avec mon « camion », vélo chargé et pneus larges. Ne dites pas à Little big horse qu’il est beau comme un camion, il se prend pour un cheval de course. Aujourd’hui, j’ai clairement vu que non…

Je passe par Jabbeke (prononcez comme vous voulez…), et je débouche sur la côte à Nieuwpoort pour la suivre jusqu’à Dunkerque. Les stations balnéaires sont des ensembles désolants d’immeubles affreux. 

De Panne


La mer semble épouser le sable au niveau de la couleur, le vent rend le port des manchettes et du coupe vent nécessaire au cycliste, bref c’est l’été au frais. Une chose d’originale et de bien pensé, c’est une ligne de tram qui relie les stations balnéaires entre elles. 



Mais franchement les Flandres, ça ne fait pas rêver, à part Bruges !

Et ce joli moulin près d'un canal:



Je franchis la frontière française et il reste des noms de villages exotiques comme Zuydcoote ou Leffrinckoucke.

J’arrive au centre de Dunkerque au kilomètre 120, j’en avais prévu…120. Pas mal pour une fois. 


Mairie de Dunkerque (d'où le maire jette les sardines pour inaugurer le célèbre carnaval)


Mais ce que je n’avais pas prévu c’est que le terminal des ferrys pour l’Angleterre est à encore 15 km de là…
J’en ai donc fait 11 de plus pour dormir à proximité, à Loon, prononcez comme Dany Boon…

Et demain ? J’envahis l’Angleterre ! Il faut que je pense à rouler à gauche.

Rappel du parcours : tous les parcours dans l’article « Mes parcours » du mois de juin


mardi 28 juillet 2015

En train, puis plein d'entrain, puis...dans le pétrin !

Etape 18 : Rotterdam (Pays-Bas) –Vlissingem (Pays-Bas)  138 km ; 150 m de dénivelé


Kilométrage depuis le départ : 2 554 km

Météo : Temps calamiteux. Vent contraire déchaîné.  Température : 17° à Rotterdam

(Etape réduite : transfert train Amsterdam – Rotterdam à cause de la météo)



Il y a quoi au-dessus de dantesque ? Homérique ?

Je ne la sentais pas cette journée. Je l’avais dit hier. Contraint par le vent, j’avais donc décidé d’écourter l’étape et de partir de Rotterdam. De 171 km prévu on passait à 110 en théorie. Mais faut se méfier de la théorie. 

Je savais que ça allait être un défi, alors je suis parti tôt de l’hôtel d’Amstelveld. 10 km de vélo pour gagner la gare d’Amsterdam, histoire de prendre un peu la pluie, rien de grave. Depuis que je suis aux Pays Bas, je parle tout le temps anglais et il pleut sans arrêt. Je me demande si je ne suis pas déjà en Angleterre…

Bref, une fois à la gare, je regarde le panneau des trains. Rotterdam, départ dans 20 minutes, je suis large pour acheter mon billet, et celui de Little big horse. Et puis j’observe toujours le panneau et je vois Vlissingem… Et c’est là que j’ai commis ma première erreur. Fallait bâcher, annuler l’étape et prendre le train jusqu’à l’arrivée. Mais bon déjà, ça me faisait mal de raccourcir l’étape, alors la supprimer, j’ai refusé de me rendre sans combattre. Et puis j'ai une éthique !  :-)

Donc je monte dans le train avec qui vous savez, qui d’ailleurs occupe quatre places et en paie une demi. Arrivé à Rotterdam à 10h, après 1h15 de train, pour faire 70 km, c’est moyen.
A Rotterdam, il ne pleuvait plus, il n’y avait que le vent…




Je quitte Rotterdam par le beau pont emprunté par le tour de France, premier bémol, j’ai dû mettre pied à terre au milieu à cause du vent latéral qui m’embarquait. J’avais compris qu’Eole avait envie de jouer, mais je ne savais pas encore à quel point.



Je quitte donc Rotterdam vers le sud ouest, vent debout et moi assis. 

Mais on ne quitte pas Rotterdam comme ça. Tout autour y’a de l’eau. Entre le Rhin, cette allumeuse de la Meuse qui finalement semble t-il ne se jette pas dans un bras du Rhin mais continue de minauder jusqu’au bout et finit pucelle par jeter ses eaux dans la mer du Nord, sans compter les canaux, tout cela fait des obstacles. 

On peut dire que la Meuse m’en aura fait voir. Une première fois je demande mon chemin. Je l’ai fait au moins vingt fois aujourd’hui. Je passe sous la Meuse dans un tunnel pour vélo. Y’a personne, tu m’étonnes, il ne fait pas un temps à mettre un cycliste dehors. Comme il y a deux tunnels et que les deux sont vides, ça sent le piège. Je presse le bouton à la borne d’entrée pour demander de l’aide. On me dit de prendre celui de gauche. Bon j’obtempère, un tunnel pour moi tout seul, fallait pas…




Je bifurque à l’ouest, et au bout de 10 km environ, je suis du mauvais côté de cette saleté de Meuse. Donc là je prends un petit bateau qui me permet de retraverser la Meuse, par dessus cette fois. Le jeu a continué pour gagner les digues du large, je me suis perdu et j’ai fait donc au total…26 km de rab. Face au vent évidemment. Bilan: près de 2 heures perdues.

Comme j’étais littéralement vissé à la route, j’ai eu le temps de contempler la nature… Et de compter les moutons. Plein de moutons. Et que d’oiseaux ! Surtout des oies. C’est beau une oie. Je les aime bien en rillettes aussi.




Et le vent, que dire : démentiel ? Abrutissant ? Epuisant ? Dingue ? Non, tout à la fois !

Maintenant il faut le comprendre le vent aussi : il arrive de l’océan, il voit cette côte avec une mer marron et où c’est l’hiver, il n’a qu’une hâte c’est de partir voir ailleurs. Et puis le vent je sentais qu’il voulait ma peau. Il m’avait raté de peu dans les polders avant Amsterdam, il s’est dit qu’il allait m’achever dans la route des digues en mer. La lutte fût féroce, un combat de tous les instants, je ne lâche pas l’affaire facilement, mais là j’ai bien cru que j’allais caner. 

J’arrive à la première digue, il est déjà plus de 14 heures, je suis à 70 km de l’arrivée. Je la passe à la vitesse de pointe de 7 à 8 km/h, le vélo penché à 45° pour ne pas tomber, un truc de fou. Pour info, ma moyenne sera inférieure à 15 km/h sur l’ensemble de l’étape, jamais vu ça !

J’ai trois digues à faire, pour passer d’une île à l’autre. Ces digues, fermées par des barrages, c’est ce qui empêche la Hollande, ce plat pays, de couler. Je me suis dit méchamment qu’ils auraient mieux fait de le laisser sombrer ce pays, vu ce qu’il m’en a fait baver. Mais ce serait dommage pour les Hollandais, toujours prêts à aider et très sympathiques.





A contre vent, je continue, c’est l’enfer du nord ! Une des plus dures journées que j’ai jamais vécu de ma vie de cycliste. Un moment le vent a failli l’emporter. C’était à la deuxième digue. Gros coup de blues, l’heure qui tourne, déjà 17h et encore 40 km à faire comme ça. J’ai levé un pouce en l’air devant quelques voitures et camping-cars tout en continuant à avancer à vélo. Une sorte d'auto-stop en loucedé et en mouvement, sans aucun succès.

Là le vent il s’est dit : « c’est bon, je le tiens, il est cuit ! Va craquer… »

Et alors je me suis souvenu que mon « bed and breakfast » était réservé à Vlissingen. 41 € à la clé. Il faut savoir que j’ai 75 % de sang breton et 25 % de sang auvergnat. Et là les deux ont commencé à parler dans ma tête, oui car le sang irrigue aussi le cerveau, très peu chez un cycliste, mais bon quand même un minimum !
Le sang auvergnat a dit, texto : « tu vas quand même pas laisser tomber 41 € ! »
Et le sang breton a fait le reste…
Têtu, crevé, en râlant, j’ai réussi à passer. A presque 21 heures à l’arrivée, jamais vu ça ! Repas du soir: une barre énergétique, j'ai même pas jugé bon de chercher quelque chose de consistant...

Le vent s’en est allé en sifflant dans les branches « je l’aurai un jour ! » ça a bien failli être aujourd’hui.

j'ai failli embrasser le panneau. Enfin, Vlissingen écrit dessus...


Et demain ? Retour temporaire en France à Dunkerque par la Belgique des Flandres.


Rappel du parcours dans l'article "Mes parcours" du mois de juin


lundi 27 juillet 2015

Nouveau déluge en Haute Veluwe !


Etape 17 : Arnhem (Pays-Bas) – Amsterdam (Pays-Bas)  136 km ; 400 m de dénivelé


Kilométrage depuis le départ : 2 416 km

Météo : Temps épouvantable. Trombes d’eau et vent contraire déchaîné. (tempête !) Température : 16° à Amsterdam. Des pointes de canicule jusqu'à 17° sur le parcours...

Il faisait un temps à ne pas mettre un cycliste dehors aujourd’hui. Ça tombait mal, j’avais un truc à faire. Aller à Amsterdam, le point cardinal nord de mon parcours européen (l’est c’est fait : Bregenz en Autriche). Le prochain ce sera l’ouest avec Plymouth en Angleterre, et le dernier le sud évidemment avec Aix en Provence. Oui, il y a 4 points cardinaux. Ça surprend toujours un sudiste, pour lui il n’y en a que deux : le sud et le nord. Quand je suis arrivé de Bretagne pour m’installer en Provence il y a un peu plus de vingt ans, j’ai dit que je venais de l’ouest. Pour eux c’est le nord. Il y a le sud qui va de Marseille à Avignon, et tout le reste, c’est le nord.
Ce jour j’étais au nord du nord, très au-dessus de Montélimar… Selon le calendrier c’est l’été mais tout le monde avait la tenue d’hiver.

Pourtant je m’étais  levé plein d’entrain pour une étape qui ne devait être qu’une formalité. Ça c’était le projet, quand j’ai conçu le parcours…
Pensez donc, 115 km, tout plat, une étape de repos ou presque.

Au moment de partir, je recherche le soleil histoire de m’orienter nord. Y’en avait pas…
Je n’ai pas vu non plus les mousses sur les arbres, j’étais logé au centre ville, c'est rare. Je vois un vol d’oies sauvages, comme je m’y connais un peu en migration de ces bestioles, je me dis ça doit être par là. Et c’était par là pour une fois.

Images du parc naturel de Haute Veluwe:

l'arbre est penché, le cycliste aussi




Dès le kilomètre 5, je rentre dans ce qu’il faut bien appeler une pépite (même sous la flotte), le parc naturel de Haute Veluwe. Je devais le parcourir du sud au nord, soit 15 km et en ressortir au kilomètre 20 à Otterlo. Comme prévu, j’en sors, …au kilomètre 30. Et je ne peux pas dire que je me suis perdu tellement j’étais bien dans ce parc. Il se visite en vélo, il n’y a que des pistes cyclables, ou à pied mais c’est un peu grand. Des vélos sont mis à disposition à l’entrée, mais j’en avais un sur moi, pas besoin. J’ai croisé trois personnes en tout et pour tout, des fêlés comme moi.

Après la sortie du parc, j’ai senti que la nature n’allait pas être tendre. Déjà qu’elle n’était pas commode ! Des conditions dantesques. Et encore je ne suis pas sûr que Dante soit venu jusqu’ici. Des trombes d’eau, un vent de chien, et le tout en pleine poire. Alors là j’ai dit : « y’a de l’abus ! Ça recommence comme dans les Ardennes belges. » Mais non, ce fût vite…pire. La Hollande c’est vert, mais il y a une raison. Les gazons des jardins sont élégants jusque dans leurs moindres brins, mais tout s’explique. Et puis dans les Ardennes, il y a des forêts qui abritent du vent, alors que dans les polders...

trop vert pour être honnête...

le pays doit leur manquer...

le cou du signe indique le sens du vent...


Mon poncho a fait un travail magnifique, me gardant tout le haut du corps au sec. Pour le bas c’est un peu la piscine, mais du coup j’ai l’impression d’être dans le petit bassin, j’ai pied à partir du nombril. Et puis là j’ai trouvé une nouvelle utilité à ma casquette, jamais vu ça ! Je la mets par-dessus la capuche du poncho et sous le casque et ça me fait un magnifique écran pour protéger les yeux. Au moins je vois la route…
Mais voir la route quand on n’avance pas, est-ce une si bonne idée ? Dans les polders sans aucune protection le vent me scotche à la route, on dirait qu’il veut m’incruster au bitume. Je bats des records de lenteur, 10 à 12 km/h maxi, ça me rappelle le mistral déchaîné mais en pire. 

Du coup j'analyse la situation posément.

il ne m'a pas aidé lui

Même les ponts se dressent sur mon passage, c'est un complot !



Je passe quand même, et arrive à Nijkerk. Une ville sur mon parcours mais sans intérêt particulier, je peux en parler, j’en ai fait deux fois le tour avant de sortir dans la bonne direction, malgré l’aide des autochtones. A ce propos, les Hollandais sont extrêmement aimables, je crois que nous Français aurions des leçons à prendre. Bon je finis par en sortir, encore 10 km de rab, ça fait 20 depuis le départ. Je repars dans les polders et je n’avance toujours pas.

Je passe par Naarden, très joli village fortifié entouré de douves, sympa à vélo mais l’idéal c’est le drône pour le découvrir. Je n’ai pas ça dans le paquetage.




Puis un très joli château...



J’arrive enfin à Amsterdam. 



Je pensais y être pour le sandwich au hareng, la gaufre et le café, vers 13h30 selon mes estimations lors de la confection du parcours, il y a quelques mois.
Presque, il est 17h, je n'ai plus qu'à foncer direct chez la pâtissière…

Visite à vélo, heureusement, je suis déjà venu, ça aide pour les photos. Un monde fou, des cyclistes partout alors que je n'en avais pas vu de la journée à cause du temps. Oui à Amsterdam il ne pleut plus, mais le vent est toujours déchaîné. D'ailleurs les stigmates de la tempête commencée avant hier sont bien visibles, plein de branches arrachées et quelques arbres déracinés.



Pour survivre à Amsterdam, faut être une araignée. Je m'explique, faut huit yeux ! Et encore, pas sûr que cela suffise toujours. Je me place au mieux dans la circulation vélo, je veux enfin flâner un peu mais le cycliste d'Amsterdam est du genre pressé. Y compris les filles. Avec mes barres au bout du guidon, j'ai failli en embrocher plus d'un...  

Images d'Amsterdam:










Je loge à Amstelveen, à 10 km au sud. La banlieue quoi. Mais branchée. Je couche au-dessus du bar, j'ai la musique gratuite dans la chambre. Mais jusqu'à quelle heure ?

Demain cap sud ouest, pile poil face au vent, prévu presque aussi fort. Ah oui la pluie est annoncée de la partie également. Comme l’étape fait 175 km, j’ai prévenu l’hôtel de Vlissingen (extrémité sud de la Hollande, sur la côte, par la route des digues du sud, en Zeeland, dans le coin où était le tour de France dans la 2e étape)  que j’arriverai vers 3 heures du matin. Comme ça ne les arrangeait pas trop, j’ai prévu autre chose.

En fait, il est matériellement impossible que j’arrive à vélo à Vlissingen en partant d’Amsterdam en un jour avec de telles conditions atmosphériques. Il me faudrait 15 heures de vélo à la vitesse d’aujourd’hui…

Réunion de crise avec Little big horse. Il est du même avis que moi. Faut supprimer une partie de l’étape. Donc demain c’est 10 km de vélo pour gagner la gare d’Amsterdam puis transfert en train jusqu’à Rotterdam. J’économise 60 bornes. De là je repars à vélo, il reste encore 105 bornes, dont une vingtaine sur les fameuses digues au large, on verra si ça passe. Sinon on improvisera…
Je ne sais pas pourquoi, je ne la sens pas bien l’étape de demain, même raccourcie.

Les Pays-Bas c’est beau, mais j’aurais dû venir en été.


Et demain ? Je ne sais pas, mais y'a des jours, faut avoir de l'humour pour faire ça !

Rappel du parcours dans l'article "les parcours" du mois de juin