samedi 1 août 2015

Côte Jurassique, côtes saignantes !


Etape 22 : Bournemouth (GB) – Exminster (GB)  149 km ; dénivelé : 1 800 m


Kilométrage depuis le départ : 3 131 km

Météo : Beau temps puis couvert. Vent modéré latéral.  Température : 20° à Weymouth


La journée commence par un petit déjeuner anglais, y’a pas mieux dans le genre. Entre les toasts, les œufs au bacon plus galette de pomme de terre et les céréales, il ne manque rien. Avec ça, je peux tenir au moins jusqu’à 14 heures, avant que mon estomac ne se rappelle à moi.

Hier soir après l’errance lamentable de la journée, perdu dans la campagne anglaise pendant 35 kilomètres, j’ai eu une explication sévère avec moi-même : je me suis pris à part entre 2 yeux et je me suis dit mes 2 vérités. Mais je ne me suis pas vexé, je l’ai bien pris.

Alors aujourd’hui, road book à la lettre, en plus il n’y avait pas de ville importante à traverser, ça a roulé tout seul. Enfin tout seul…comment évoquer la côte Jurassique, classée au patrimoine mondial de l’Unesco ? D’abord c’est quoi, la côte Jurassique : les fossiles le prouvent, il s’agit des restes d’une mer qui couvrait une partie de l’Angleterre et allait jusqu’au bassin parisien. Vous n’étiez pas né à l’époque, c’était il y a plus de 100 millions d’années. Une époque qui pourrait revenir rapidement si vous continuez à réchauffer la planète et que l’eau monte. Désolé mais moi avec mon vélo, je fais des efforts.
Un très bel endroit, mais sans pitié pour le cycliste, j’y reviendrai.




J’ai commencé en fêtant au kilomètre 18 le passage des 3 000  kilomètres. Une cérémonie très sobre, une gorgée de ma meilleure boisson énergétique a suffi. 

Puis j’ai doublé un petit papy à vélo. On discute un peu, 90 ans le bougre, il fait toujours ses deux sorties vélo de 40 km, été comme hiver, chapeau ! Je lui parle des routes dangereuses pour les cyclistes dans cette région. Il me dit « follow me. » Ok, je follow. On est passé par des chemins plus que des routes, dix kilomètres à l’écart de toute circulation. Royal.





Je poursuis seul l’exploration de leur Kingdom for a (Little big) horse. « Mon royaume pour un cheval. » C’est idiot, ça ne vaut pas !

La route est assez plate pendant les cinquante premières bornes, ce qui veut dire que les 1 800 m de dénivelé arrivent d’un coup ! La côte Jurassique, d’un point de vue de la route, c’est une succession de côtes, on devrait dire des murs car chacune contient un long passage avec pente entre 12 % mini et 15% maxi, indiqué par des panneaux.
Oui, l’Anglais trace droit, quand il voit de la pente, il s’en fout, pas le genre à s’embêter avec des lacets. Et puis de toute façon l’Anglais est le plus souvent motorisé, très peu de vélos dans ce pays. Il faut dire que c’est dangereux pour un cycliste, l’Angleterre. Routes sans aucun dégagement latéral et bondées de véhicules, deux voies qui deviennent des quatre voies sans prévenir. Et comme il y a un reseau de routes beaucoup moins dense qu’en France, pas facile d’être au calme. Et autant le British dans sa version fantassin est charmant, autant l’automobiliste roule vite et prend peu de distance avec le cycliste. Usant à la longue !

Ça changera peut-être avec « Froom-Froom », il devrait y avoir plus de vélos sur les routes. Encore que pour savoir s’il a vraiment gagné le tour 2015, j’attendrai 2025 pour être sûr… Regardez Amstrong, il fait un trou de 7 sept ans dans le palmarès…
Enfin moi je ne prends rien, et c’était bien le problème aujourd’hui, avec ses sacrés murs pour cyclistes.

Les deux premières côtes, tu les consommes avec appétit, à partir de la troisième cela devient de la gourmandise, alors je ne vous raconte pas dans quel état j’erre à la dixième…
Ces côtes, elles te saignent à vif. J’ai l’habitude de me faire saigner, je donne mon sang. Mais là on te prend une petite poche et on te laisse repartir avec le reste, et en plus on te donne un sandwich. La côte Jurassique, c’est l’inverse, elle te prend tout et te laisse juste une petite poche pour la survie. Quand je suis arrivé à la dernière, j’ai dit :
« Désolé, j’ai déjà tout donné… » Il me restait bien ma petite poche discrètement cachée, je suis malin, j’espérais passer la côte « à l’œil ». Elle m’a regardé de haut et m’a dit :
« Ça fait rien, je prendrai autre chose. » Et je crois qu’elle a pris un peu de gras, je n’en avais plus sur moi en arrivant.

Evidemment, compte tenu de la pente, tu fais les descentes à tombeaux ouverts. J’ai laissé le mien ouvert heureusement. En plus tu n’as pas envie de ralentir, faut pas gâcher de la vitesse, c’est toujours ça de pris sur la côte suivante, où tu es scotché un long moment entre 5 et 10 km/h maxi. Je me serais presque cru revenu dans le col du Grand Colombier dans les Alpes…

Ave ces efforts, je m’arrête pour ravitailler au village de Lyme Regis, à 50 bornes de l’arrivée, village que tu ne peux quitter que par une côte à 14 % d’où que tu viennes. Le cycliste qui habite ici, il faut qu’il change de sport. Il n’a plus qu’à faire de la voile.

La voile parlons-en : je suis passé par Weymouth, très jolie petite cité balnéaire qui était le site des épreuves de ce sport lors des jeux olympiques de Londres en 2012. Pourtant très peu de voiliers sur l’eau. Pour l’atteindre, gros bouchon automobile, heureusement je suis à vélo. C’est le Saint-Tropez local et nous sommes samedi.






Mais reprenons au lieu de nous disperser.
A Lyme Regis, les côtes ça creuse. Je vais voir la pâtissière locale et lui achète des scones. J’en profite pour lui dire que ce n’est pas raisonnable de telles montées. Elle s’en fiche, elle se contente de faire des gâteaux. Et de les manger visiblement…

Sur le chemin, beaucoup d’animaux. Des moutons, j’en ai déjà parlé, mais là c’était des vaches. Faut que je vous parle des vaches.




Voilà un animal assez peu considéré, et pourtant. Avez-vous déjà vu l’intérieur d’une vache ? Moi oui, lors de mes études d’agronomie. 4 estomacs, ça ne vous dit rien ? Il est clair que l’on peut en ranger de l’herbe à l’intérieur, mieux que le bac de votre tondeuse ! La vache est un animal formidable. A la partie principale, l’estomac, vous rajoutez une tête à l’avant pour brouter l’herbe et quatre pattes pour explorer tout le pré. A l’arrière vous montez une grosse mamelle. Et vous obtenez quoi ? De l’herbe qui rentre d’un côté, du lait qui sort de l’autre. Alors je dis, respect ! Vous pouvez même en cas de coup dur, boire un verre dans le champ, mais attention là encore à ne pas confondre avec un taureau, sinon y’a encore plus grosse embrouille qu’avec le bélier ! Ceci étant vous ne risquez rien, il n’y a pas de taureau dans les troupeaux de vaches laitières. Comment ça, vous ne savez pas reconnaître une vache à lait ? Demandez à un paysan ou à votre banquier. Et il faudra venir faire un petit stage à la campagne.
Et sans compter qu’une bonne côte de bœuf cuite au feu de bois…

Plus loin, je tombe sur des cochons de luxe élevés en plein air. Faut que je vous parle du cochon.





Il a mauvaise réputation, on lui reproche de vivre dans une porcherie ! Mais vous croyez que c’est facile de rester propre quand on a un petit costume rose et qu’on vit à la campagne ? Alors moi je veux dire du bien du porc. Elevé en plein air avec des tentes Decathlon pour se protéger des intempéries, il est bien le porc. Et du coup, son jambon est bon ! Et que seraient les galettes complètes chères à mon cœur sans jambon ? Alors, s’il vous plait, regardez le cochon d’un autre œil.

Et à part ça ? Je suis content de ma maîtrise de la langue anglaise. Encore qu’hier à la gare de Southampton, pendant que j’attendais le train pour Bournemouth je discutais avec deux Anglais d’un certain âge, pour savoir notamment où il fallait se mettre pour monter dans le train avec son vélo. Je croyais que mon bel accent d’Oxford (ou de Cambridge) faisait son effet. Et puis au moment de monter dans le train, celui dont j’ai du redescendre aussi sec, le premier me dit. « Je croyais que vous étiez Polonais ». Heureusement le deuxième le regarde et ajoute : « Non, j’ai tout de suite compris qu’il était Français. » Dans les deux cas, on est loin d’Oxford…

Et au bout de la journée, j’ai fini l’étape, rincé, comme on dit dans le jargon cycliste !  



Et demain : ralliement du point cardinal ouest du parcours : Plymouth

Pas de résumé avant après demain (sauf opportunité) pour cause de nuit sur le bateau : traversée Plymouth (GB) – Roscoff (F). Départ minuit. Je ne publie pas le dimanche.
De plus je n’ai pas pu avoir l’adaptateur électrique qui permet de se brancher sur les prises électriques anglaises ce soir, donc je vais être juste en batterie et économiser jusqu’à l’arrivée à Pontivy lundi soir. Pas sûr que ça tienne 2 jours.

Rappel du parcours : tous les parcours dans l’article « Mes parcours » du mois de juin


4 commentaires:

  1. Ah la vache! j'en ai appris des choses.
    Pour le 14% j'ai aussi donné aujourd'hui avec la montée de Vachère.
    On s'est aussi perdu, tu n'as pas le monopole... Nous c'était en Provence, peut-être aussi des soucis avec l'accent local...
    Bonne traversée, Welcome Home!

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  2. salut Georges,
    hier c'était 14% mais aujourd'hui c'était 20 %. Je me serais cru revenu au col du Grand Colombier avec les Rugissants, à 2% près ! :-)
    Ce soir Ferry pour la France depuis Plymouth.

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  3. En fait ça ressemble à une sortie VTT, changement de rythme tout le temps ! Il faudra que tu fasses la sortie des "trois vallons" avec nous, Serge la redoute ;o)

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    1. J'ai pensé à toi lors de l'étape Exminster - Plymouth, il y avait un endroit avec plein de VTTistes avec casque intégral et des descentes de feu à faire visiblement en VTT. Pas pour moi, je te laisse emmener Sergio... :-))

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